La Galleria Continua s’installe dans le Marais à Paris
Top ou Flop ?
Bail signé en décembre, course contre la montre entamée pour ouvrir fin janvier, un paris gagné pour la Galleria Continua qui vient désormais d’ouvrir son septième espace. C’est cette fois à Paris et intramuros, dans le célèbre quartier du Marais, que la Galleria continua continue de s’étendre et de surprendre ses visiteurs. Elle offre un espace de 800 m2 qui vient bousculer les codes traditionnels du marché de l’art. Un espace qui, comme le souligne Lorenzo Fiaschi (l’un de ses fondateurs), vise à répondre au besoin urgent d’un quartier qui tombe dans un tristesse profonde. Bilan de la première exposition « Un truc à faire », un projet audacieux ou prétentieux ?
Un « Truc à faire » dans le cœur de Paris
A l’heure où l’allégresse de la capitale est ébranlée par la crise sanitaire, à l’heure où le public en manque de culture est en quête de refuges et de stimulations, la Galleria Continua conquit Paris. Elle porte en elle un désir d’expansion insatiable qui l’amène à s’installer dans le Marais, l’un des quartiers de la capitale qui concentre le plus de galeries d’art. C’est en passant par-là que Lorenzo Fiaschi a repéré une pancarte « à louer » et s’est dit « pourquoi pas ».
Une spontanéité audacieuse qui a donné naissance à une espace atypique et novateur : entre mi-galerie d’art et mi-épicerie fine, la galleria continua propose aux visiteurs de repartir avec de la charcuterie, de l’huile d’olive ou bien une sculpture d’Anish Kapoor.
La Galleria Continua, un concept décomplexé
Pourquoi ne pas reprendre un ancien local commercial laissé dans son jus ? Pourquoi ne pas penser galerie d’art et épicerie fine dans une même et seule veine ? Quinze ans après leur installation dans des hangars désaffectés en Seine-et-Marne à 60 km de Paris, Mario Cristiani, Lorenzo Fiaschi et Maurizio Rigillo les trois fondateurs italiens, ont repris un espace de 800 m2 repartis sur trois niveaux et cinq corps de bâtiments. Un espace qui appartenait à un grossiste en maroquinerie installé dans ces locaux depuis les années 1980. Parler d’art, c’est souvent - voire toujours - parler d’espaces et de lieux. En 1976, le critique d’art Brian O’Doherty écrivait dans son ouvrage séminal consacré au white-cube que « si l’art a des conséquences culturelles (...), c’est bien sur notre conception de l’espace et du temps ». Alors que le white cube était un mot de passe ayant atteint un statut d’évidence validé en -presque- toutes circonstances dans le monde de l’art jusqu’à aujourd’hui, une nouvelle génération d’artistes et de regardeurs est en quête de renouveau. Notre rapport au temps, à l’espace et au monde a résolument changé, suscitant de nouveaux désirs et de nouvelles attentes. Comment renouveler les codes traditionnels de la monstration de l’art et voir, y faire écran? La Galleria Continua semble s’inscrire dans cette veine. Elle se présente comme un supermarché de l’art aux allures d’épicerie espagnole : les cartels oranges fluorescents présentent les œuvres comme des produits de consommation, les étagères accueillent de la confiture de goyave, du rhum ou un livre d’art signé par un artiste qui se cache dans ce bric-à-brac étonnant. Un concept décomplexé et audacieux qui semble séduire et avoir réussi son pari. Il vous suffit de passer près du 57 rue du Temple pour constater la file en attente de vivre cette expérience hors du commun.
La Galleria Continua, un miroir du monde actuel ?
A l’image de notre société contemporaine en désir de possession permanente, la galleria continua se présente aux visiteurs comme un véritable lieu de commerce, alliant œuvres d’art et produits locaux. Il vous suffit de prendre un panier en plastique à l’entrée de la galerie pour y ajouter, mélanger et associer tous les produits présentés modestement dans les rayons. Un concept aguicheur explicitement voulu, reprenant des codes affiliés à la classe populaire et dont les produits sont aujourd’hui happés par la bourgeoisie-bohème du Marais. La Galleria Continua s’inscrit donc dans ce qui est en vogue. Elle ne prend également pas beaucoup de risques en exposant des œuvres dont les artistes sont largement reconnus par la scène artistique contemporaine et internationale. En effet, elle laisse carte blanche à l'artiste JR pour cette première exposition. Un artiste dont les photographies immersives connues de tous tapissent les murs de ce nouvel espace. Et si le coup de projecteur sortait aussi du cadre classique d'une galerie, qui généralement, a pour but de faire connaitre la création contemporaine émergente ? Si l’on considère que la galerie d’art contribue au processus de légitimation des artistes, la Galleria Continua s’en éloigne en exposant des artistes déjà bien ancrés dans le marché de l’art contemporain. Ici, le visiteur en « manque de culture » ne vient plus découvrir de nouveaux
artistes car il les connait déjà. Il se déplace pour apprécier l’expérience de ce nouveau concept qui lui en met plein la vue. En fin de compte, bien que la galleria continua offre une expérience inhabituelle, on se demande si ce projet est porteur d’un avenir désirable. Car en effet, la maroquinerie délocalisée laisse aujourd’hui place à des œuvres collées sur ses murs pour un prix pas plus doux que 53 000 euros, laissant dans son ombre une génération d’artistes en quête de reconnaissance et de visibilité. A suivre...