Le cri du coeur
Badou Tall
Il y a ces visages que l’on croisent et qui retiennent l’attention. Ces visages qui interrogent, pourvu que l’on soit un peu attentif et sensible. L’artiste Badou Tall en fait partie. Son regard lumieux et bienveillant devient presque son porte parole : attentifs et subjugués, nous l’écoulons exprimer son rapport à l’art et à la peinture. Il est de ceux qui créé par nécessité d’existence. A l’aide du pinceau ou du doigt, il jette corps et âmes dans la peinture pour se fondre avec elle. Badou Tall, portrait d’un artiste qui “met au monde” la peinture.
Rencontre
Le goût irrepressible de la liberté d’expression
nous l’écoutons, attentifs et subjugués,
par le rapport qu’il entretient avec l’art.
on regard attentif
rareté, traits
un visage qui s’ouvre, un regard attentif, plein de sagesse.
n visage que l’on croise et qui retient l’attention, qui interroge pouvu que l’on soit un peu attentif et sensible. Un visage qui s’ouvre, un regard attentif plein de sagesse. Rencontre avec l’artiste Badou Tall
nous nous sommes assis à la terrasse d’un café à Bobigny. Badou Tall, de son vrai nom … travaille en tant que vendeur … . Pourtant,
Rencontre avec l’artiste Badou Tall, de son vrai nom …, Sans thématique particulière — Sans sujet précis (les femmes ?) Son médium de prédilection : peinture La toile : qu’elle soit industrielle ou faite de ses propres doigts / traitement regarder le principe Expression libre / le gout irrépressible de la liberté -
“ Un cri, qu’est-ce que le cri ? Un jaillissement d’énergie joyeuse ou douloureuse où le corps siffle, souffle, jouit ou souffre dans les cordes de la voix. C’est une expression sonore pure. Le cri est une manifestation orale crue. Le cri part sans nous. Il nous échappe mais nous sommes en lui. Qu’il soit de douleur ou de jubilation, le cri s’échappe comme la symbiose éclatée d’un état du corps et de la conscience. Le philosophe Gilles Deleuze comparait le moment jubilatoire de la création des concepts à des cris que lancerait le penseur. Passer à côté de son cri c’est perdre l’occasion d’articuler haut et fort, ce que nous seuls avons vocation à mettre à jour ”
Lorsque nous visitons l’exposition “1525” au Van Abbemuseum, l’installation semble refleter la personnalité de Victor Sonna : singulière, inspirante et audacieuse. Cent cinquante-deux oeuvres se déploient dans un espace longiligne au plafond qui s’étire au delà de 25 mètres de haut. Les oeuvres sont suspendues aux barreaux d’un échafaudage s’étendant du sol au plafond. Dans un monde où tout est en mouvement perpétuel, l’installation de Victor Sonna invite le public à la déambulation, lente et attentive. Elle incite son visiteur à rester jusqu’au bout, tout en étant dans la contemplation. Des échelles sont dispersées dans l’espace et flottent au dessus (ou en dessous) du public, débouchant sur du vide (ou ce que l’on souhaite imaginer). Destabilisé dans cette scène surréaliste, le visiteur est comme plongé au coeur d’un dessin de Maurits Cornelis Escher. Où allons nous ? Quelle direction devons nous prendre ?
Pouvez-vous nous expliquer quel a été le point de départ de ce projet ? Il s’agit de menottes d’esclaves que j’ai achetées lors d’un voyage en Amérique. Le nombre 152 est gravé sur ces menottes. De quoi s’agit-il ? Que signifiait-il ? Dès lors, j’ai choisi d’exposer 152 oeuvres et d’interroger 152 personnes dans les vidéos que j’ai réalisées en 2018. Le titre de l’exposition “1525” fait quant à lui référence à la date correspondant à la déportation de plusieurs millions d’africains par les traites occidentales. Le sujet m’inspirait depuis quelque temps déjà, j’ai décidé de le concrétiser à travers cette exposition.
Exposer 152 oeuvres dans un espace comme celui-ci n’a pas dû être évident. Comment avez-vous su vous adapter aux dimensions de la salle d’exposition ? (Rires) Quand j’ai vu l’espace pour la première fois, je me suis demandé : comment vais-je faire pour exposer 152 oeuvres ici ? Il fallait que je trouve un moyen, une solution qui ait du sens, la plus claire possible pour le public. J’ai décidé de ne pas suivre un mode d’exposition “conventionnel”. J’aime penser mes expositions dans l’espace, j’aime quand l’espace me donne des défis à réaliser.
Vous semblez avoir réussi votre pari, votre exposition est unique. C’est une installation inspirante, audacieuse voire dangeureuse… Cela détonne complétement du mode classique d’exposition des oeuvres. Vous allez par exemple à l’encontre du “Whitecube”, ayant acquis un statut d’évidence dans les lieux d’exposition depuis qu’il a été théorisé par Brian O’Doherty dans les années 1970. Le Whitecube est aujourd’hui un “mot de passe” validé en -presque- toutes circonstances par les commissaires d’exposition. Est-ce que vouloir changer le mode d’exposition des oeuvres fait partie de votre processus créatif ? Est-ce que vous aimez prendre des risques ? Lorsque j’expose mes oeuvres, je raconte une histoire. La manière dont je les mets en scène va influencer la lecture du visiteur. Il faut voir cela comme un tout. En réalisant cette scénographie particulière, avec l’aide du commissaire d’exposition du Van Abbemuseum Steven Ten Thije, nous devions repenser tous nos acquis en matière de commissariat. Déconstuire des concepts pour construire de nouvelles lignes, de nouvelles perspectives, en phase avec la singularité de l’histoire que j’avais à raconter à travers “1525”. Et bien sûr, prendre des risques fait partie de ma vie. C’est comme cela que j’avance en tant qu’artiste mais aussi en tant qu’homme.
Au fur et à mesure de la visite, nous éprouvons la même sensation que dans l’atelier de Victor Sonna. L’exposition est un alliage entre Histoire universelle (la thématique générale de l’exposition est l’esclavage) tout en faisant référence, dans chaque détail, au vécu personnel de l’artiste. Ses créations sont des supports de refléxion engagés rendus sensibles grâce à la personnalité rare de l’artiste. Un plaisir pour les yeux et pour le coeur. Si nous vous invitons à aller découvrir les oeuvres de Victor Sonna dans vos prochaines sorties culturelles (certaines oeuvres seront prochainement exposées au Steidelijk Museum à Amsterdam), nous vous souhaitons aussi d’avoir la chance de croiser son chemin.
Marie Chappaz